Voici la rĂ©ponse Ă la question de CodyCross - Aussi appelĂ©e Ă©toile filante. Si vous avez besoin d'aide ou avez des questions, laissez votre commentaire ci-dessous. Home Saisons Groupe 76 Phase 4 RĂ©pondre Mode de vie des artistes en marge de la sociĂ©tĂ© Mode de vie des artistes en marge de la sociĂ©tĂ© RĂ©pondre BohĂšme CodyCross CodyCross est un jeu rĂ©cemment sorti dĂ©veloppĂ© par Fanatee. Câest un jeu de mots croisĂ©s qui contient de nombreux mots amusants, sĂ©parĂ©s en diffĂ©rents mondes et groupes. Chaque monde a plus de 20 groupes avec 5 puzzles chacun. Certains des mondes sont la planĂšte Terre, sous la mer, les inventions, les saisons, le cirque, les transports et les arts culinaires.
Sila société m'influence, c'est parce que elle m'impose, ou que j'adhÚre. Les médias en général font de l'info digest, Vite consommée, et vite oubliée. Pour s'informer ,il faut fouiller ailleurs que dans ce qui fait pleurer dans les chaumiÚres. Quant à la mode, j'ai la mienne, pas séante, pas au gout du jour, mais qui me convient.
Accueil Revues Espaces et sociĂ©tĂ©s NumĂ©ro 2017/4 n° 171 Zone lâespace dâune vie... Ăditorial Zone lâespace dâune vie en marge Suivre cet auteur JĂ©rĂŽme Beauchez, Suivre cet auteur Florence Bouillon, Suivre cet auteur Djemila Zeneidi Dans Espaces et sociĂ©tĂ©s 2017/4 n° 171, pages 7 Ă 18 Suivant ArticlePlanBibliographieAuteursCitĂ© parfile_downloadTĂ©lĂ©charger Article MĂȘme si on dort dans la rue, on nâest pas des loques. On est des chĂŽmeurs, des zonards, des mancheurs, mais on nâest pas des clochards. » Propos anonymes, recueillis dans la rue par Lionelle Reynes 1985, p. 38 1 Alors que le quotidien des jeunes de banlieue » ou des bandes ethniques » focalise depuis plusieurs dĂ©cennies lâattention des sociologues, lâautre visage des jeunesses relĂ©guĂ©es que prĂ©sentent les zonards » reste quant Ă lui quasi invisible du point de vue des sciences sociales europĂ©ennes. Rares sont en effet les Ă©tudes de ces nomades du vide » Chobeaux, 2004 que seraient ces jeunes de la rue, que lâon dit aussi en errance » Laberge et Roy, 1996 ; Pattegay, 2001 ; Parazelli, 2002. Population sans domicile aux allures bigarrĂ©es, souvent accompagnĂ©e de ses chiens, ils apparaissent surtout dans le rĂŽle du mancheur rĂ©clamant la piĂšce sur le pavĂ© des centres-ville ou au seuil des supermarchĂ©s. Ă la fois terme vernaculaire et concept proche de lâexpĂ©rience, le mot zonard est celui que la plupart choisissent pour se dĂ©signer Pimor, 2014. La zone Ă©voque alors un mode de vie supposant de tracer sa route dans les marges de la sociĂ©tĂ© de consommation Angeras, 2012, dâoĂč les appellations de traceurs ou de routards Ă©galement employĂ©es par certains. 2 LâĂ©tymologie du terme renvoie Ă la zone non aedificandi non constructible qui sâĂ©tendait au-delĂ des fortifications de Paris. AprĂšs la guerre de 1870, la destination exclusivement militaire de cet espace a Ă©tĂ© peu Ă peu abandonnĂ©e pour cĂ©der la place Ă lâinstallation de baraquements, de roulottes et de taudis qui ont regroupĂ© les travailleurs pauvres, les chiffonniers, les vagabonds, les mendiants et autres reprĂ©sentants des classes dangereuses » dont Louis Chevalier a rĂ©alisĂ© une cĂ©lĂšbre historiographie Chevalier, 2002. Aux marges de Paris, les zoniers » incarnent alors la figure du paria urbain qui inquiĂšte ou menace la sociĂ©tĂ© bourgeoise. PhotographiĂ©s par EugĂšne Atget [1] 1913 et filmĂ©s par Georges Lacombe 1928, ils apparaissent comme mis au ban dâune sociĂ©tĂ© industrielle qui les a frappĂ©s dâinfamie. 3 Les zonards dâaujourdâhui composent une nouvelle strate de lâarchĂ©ologie des marges urbaines. RĂ©cente, elle trouve ses racines syncrĂ©tiques loin des anciennes fortifications de Paris, dans lâentremĂȘlement des subcultures punk et traveller nĂ©es outre-Manche au cours des dĂ©cennies 1970 et 1980. Tandis que la zone dâhier correspondait Ă un territoire bien dĂ©limitĂ©, celle dâaujourdâhui se matĂ©rialise dans les dĂ©placements de groupes qui Ă©voluent principalement dans les intervalles des villes. Si les zonards contemporains ne sauraient par consĂ©quent ĂȘtre vus comme leurs descendants directs, ils partagent nĂ©anmoins avec les zoniers dâautrefois certaines propriĂ©tĂ©s de situation dans lâespace social. Les uns comme les autres restent en effet confinĂ©s Ă des espaces caractĂ©risĂ©s par la relĂ©gation, Ă des situations Ă©rigĂ©es en problĂšme social. Ainsi la prĂ©sence et la visibilitĂ© des zonards â particuliĂšrement remarquĂ©es depuis le tournant des annĂ©es 2000 Ă lâoccasion des festivals dĂ©diĂ©s Ă la musique ou aux arts de rue â sont-elles le plus souvent envisagĂ©es comme relevant dâune problĂ©matique dâencadrement dâune fraction de la jeunesse considĂ©rĂ©e comme dĂ©viante. Ils font lâobjet dâune culture du contrĂŽle » Garland, 2001 qui oscille entre mesures de bannissement prises par certaines mairies et tentatives de rĂ©gulation dâune prĂ©sence dont il sâagit de maĂźtriser les potentiels effets pathogĂšnes. Les questions du sans-abrisme et de lâinsĂ©curitĂ© ont dĂšs lors Ă©tĂ© posĂ©es, aux cĂŽtĂ©s des problĂšmes de santĂ© publique liĂ©s aux consommations dâalcool et de produits stupĂ©fiants Chobeaux, 2004, p. 41-42 ; Hurtubise et Vat Laaroussi, 2002 ; Van Hout, 2011. 4 Ainsi la vie et le quotidien des zonards apparaissent-ils essentiellement en nĂ©gatif de ce quâen disent les pouvoirs publics ou les instances de rĂ©gulation sanitaire et sociale Langlois, 2014. Un nĂ©gatif qui, Ă la maniĂšre dâune image photographique oĂč les contrastes apparaissent comme inversĂ©s, ne donne Ă voir quâun reflet dâune rĂ©alitĂ© dont ressortent les dĂ©fauts, comme les manques. Ce numĂ©ro dâEspaces et SociĂ©tĂ©s a pour objet de proposer une autre prise de vue. Celle-ci ouvre sur une double perspective la premiĂšre cible les modalitĂ©s dâintervention, ou de non-intervention, de la puissance publique vis-Ă âvis des habitants et des acteurs de la zone. Hier comme aujourdâhui, comment les institutions font-elles face Ă des populations qui, de maniĂšre subie ou choisie, se situent Ă la marge des centralitĂ©s urbaines comme des normes sociales communĂ©ment partagĂ©es ? Quels sont les marges de manĆuvre accordĂ©es, les modalitĂ©s de rĂ©pression, les terrains dâentente Ă©ventuels, et comment se traduisent-ils du point de vue de la gestion de ces indĂ©sirables » ? La seconde focale a pour objet de restituer de lâintĂ©rieur les systĂšmes de valeurs qui orientent les actions des zonards. Du point de vue de ses acteurs, que dĂ©signe au juste ce signifiant dont la plasticitĂ© renvoie aux idĂ©es dâun espace indissociablement physique et symbolique ? Autrement dit, quâil relĂšve de lâauto-attribution ou du stigmate, Ă quoi correspond exactement le label zonard dans les mondes de la marge et leurs territoires ? Quels en sont les codes et de quelles façons se transmettent-ils ? 5 Pour rĂ©pondre Ă cette double interrogation, ce dossier se dĂ©cline en trois thĂ©matiques. Les deux premiers articles traitent de la zone parisienne dans une perspective sociohistorique. Les trois articles suivants proposent une description dense » Geertz, 2003 des modes de vie zonards aujourdâhui, en France, en Allemagne et en Grande-Bretagne. Ces modes de vie valorisent une forme dâentre-soi tentĂ© par le dĂ©tachement vis-Ă âvis de la sociĂ©tĂ© instituĂ©e. Enfin, parce que la zone ne constitue jamais un espace totalement Ă part, lâensemble se clĂŽt par une analyse du recours aux dispositifs de lâinfra-assistance, incluant la maniĂšre dont ce recours sâinscrit dans la construction dâune identitĂ© zonarde revendiquĂ©e. 6 En finalitĂ©, lâobjet de ce dossier rĂ©side dans les diffĂ©rentes façons de produire ces formes mouvantes de marginalitĂ©, dont les frontiĂšres indĂ©cises fluctuent entre conceptions Ă©miques la perspective des zonards et visions Ă©tiques celles de la sociĂ©tĂ© instituĂ©e et des pouvoirs publics. PlutĂŽt que de rĂ©duire le flou dont la notion de zone est empreinte, nous avons donc considĂ©rĂ© son caractĂšre labile comme le principal levier dâune approche qui articule espace et histoire ou diachronie et synchronie des usages et des modes de gestion dâune territorialitĂ© marginale. Une sociohistoire de la zone, espace de relĂ©gation7 La premiĂšre partie de notre dossier dĂ©taille le passage de la figure du zonier Ă celle du zonard, et donc la progressive modification des territoires de la zone. Cette enquĂȘte est ouverte par Anne Granier, laquelle concentre ses efforts sur la pĂ©riode de lâentre-deux-guerres et la microhistoire dâun segment de la zone parisienne situĂ© Ă Boulogne-sur-Seine. Lâauteure sâest consacrĂ©e Ă retracer la gĂ©nĂ©alogie du peuplement comme des conflits qui ont animĂ© cet espace, marquĂ© par lâla intolĂ©rance des pouvoirs publics Ă lâĂ©gard de ses occupants. En effet, si les pouvoir publics tolĂ©raient lâexistence de la zone faute de mieux, par nĂ©cessitĂ© de loger les plus pauvres dâentre les ouvriers qui ne pouvaient sâacquitter des loyers de Paris intra-muros, ils nâavaient pourtant de cesse de vouloir Ă©liminer le problĂšme social quâils constituaient Ă leurs yeux. La tolĂ©rance cĂ©dait alors le pas Ă lâintolĂ©rance pour des zoniers constamment en porte-Ă -faux vis-Ă âvis de la loi. Or, les gens sans aveu » nâont pas tĂ©moignĂ© seuls subsistent les propos tenus par ceux â dĂ©cideurs politiques, reprĂ©sentants de la loi et, plus rarement, petits propriĂ©taires zoniers â qui Ă©taient en charge de lâadministration quotidienne de cette enclave partagĂ©e entre Paris et banlieue, de mĂȘme quâentre reconnaissance partielle et marginalitĂ©. Câest donc le quotidien de ce territoire ambivalent quâAnne Granier sâest efforcĂ©e dâexhumer des archives, territoire qui fait moins lâobjet dâune rĂ©pression que dâun abandon surveillĂ© oĂč, tout au long des annĂ©es 1920 et 1930, les pauvres sont restĂ©s dans la visĂ©e des pouvoirs publics qui les ont encadrĂ©s mollement, les abandonnant le plus souvent Ă leur sort, dans lâattente de trouver une hypothĂ©tique solution Ă leur indigence. 8 Ălargissant la focale historique portĂ©e sur la zone de Paris, James Cannon interroge pour sa part la dĂ©clinaison historique des labels de dangerositĂ© et dâinfamie que la zone a charriĂ©s tout au long du xxe siĂšcle. De la Belle Ăpoque aux annĂ©es 1970, en passant par lâentre-deux-guerres, lâauteur puise dans diverses sources, dont celles de la littĂ©rature et de la chanson populaire, pour montrer comment les gĂ©nĂ©rations successives de zoniers et de zonards ont incarnĂ© diffĂ©rentes versions des classes dangereuses » Ă©voluant aux marges de Paris. Tour Ă tour perçus comme des rĂ©volutionnaires en puissance, des agents de lâĂ©tranger et des hommes dĂ©pravĂ©s voire les trois Ă la fois, les zoniers ont constituĂ© une figure marginale et le plus souvent criminalisĂ©e ; cette criminalisation a suivi diverses inspirations, selon les analystes et leurs sensibilitĂ©s idĂ©ologiques ou religieuses. Câest ainsi que la zone et ses habitants apparaissent comme dâefficaces rĂ©vĂ©lateurs de la maniĂšre dont la sociĂ©tĂ© française a construit ses figures de lâaltĂ©ritĂ© tout au long du premier xxe siĂšcle. Mais quid des Trente Glorieuses au cours desquelles la zone est effacĂ©e par les travaux du pĂ©riphĂ©rique urbain, disparaissant ainsi en tant quâespace annulaire qui constituait une ceinture de misĂšre autour de Paris ? Avec lâĂ©mergence de la figure moderne du zonard au dĂ©tour de la dĂ©cennie 1970, James Cannon montre que la zone dĂ©mantelĂ©e en tant quâespace physique se reconstitue comme style de vie marginal ; un style de vie dont les habitudes et les usages de la ville entrent le plus souvent en contradiction avec les rĂšgles, voire les lois en vigueur dans la sociĂ©tĂ© instituĂ©e. La zone, territoire de rĂ©sistances ?9 Le texte de James Cannon, qui se termine par cette Ă©vocation des zonards de la dĂ©cennie 1970, fait ainsi la jonction avec la suite du dossier. En retraçant lâethnobiographie de Gavroche, JĂ©rĂŽme Beauchez engage en effet un dialogue avec un zonard des annĂ©es 1990 et 2000, dealer de drogues et voyou auto-proclamĂ©, sur le fond dâune anthropologie collaborative [2]. Tandis que le rĂ©cit de cette expĂ©rience de la zone Ă©nonce son code du deal et de la rue, le chercheur interroge les significations dâune telle conduite de vie dont il souligne moins la rĂ©sistance quâune certaine conformitĂ© avec les principes les plus communs du commerce lĂ©gal et de la sociĂ©tĂ© instituĂ©e. Gavroche dĂ©crit en effet les savoir-faire, comme le savoir-survivre » Zeneidi-Henry, 2002 et les rĂšgles qui prĂ©sident Ă son mĂ©tier de dealer ; un mĂ©tier dont lâexercice est articulĂ© aux espaces de la zone dans lesquels il fait figure de patron dâune petite entreprise criminelle centrĂ©e sur la maximisation du profit. Les moyens sont ceux des techniques de vente et de management oĂč la violence se justifie par les nĂ©cessitĂ©s dâun marchĂ© dont les Ă©changes â petits ou grands â alimentent un vĂ©ritable capitalisme de la rue. En pĂ©nĂ©trant de plain-pied cette zone partagĂ©e entre les commerces interlopes les plus cachĂ©s et les principes marchands les plus avouĂ©s, lâarticle offre une perspective incarnĂ©e sur une maniĂšre de vivre et de constituer un territoire dont la marginalitĂ© ne signifie aucunement lâopposition radicale ou lâabsence de contact avec la sociĂ©tĂ© instituĂ©e. 10 Une Ă©chelle et un mode de description similaires ont Ă©tĂ© privilĂ©giĂ©s par Marcelo Frediani, dont lâenquĂȘte ethnographique conduite pendant la premiĂšre moitiĂ© des annĂ©es 1990 aux cĂŽtĂ©s des New Travellers en Grande-Bretagne Frediani, 2009 permet dâĂ©clairer la gĂ©nĂ©alogie et le mode de vie de groupes qui ont fortement influencĂ© les gĂ©nĂ©rations actuelles de zonards français [3]. Lâauteur dresse un portrait de celles et ceux dont il a partagĂ© la vie quotidienne en camion, sur les routes et dans des campements aussi sauvages quâĂ©phĂ©mĂšres ; une vie que lâauteur dĂ©crit comme adossĂ©e Ă une culture alternative inspirĂ©e dâun syncrĂ©tisme dâinfluences marginales qui vont du mouvement hippie Ă lâanarcho-punk, en passant par les spiritualitĂ©s new age, la musique Ă©lectronique et les free parties [4]. Tout lâenjeu du texte de Marcelo Frediani consiste dĂšs lors Ă rassembler ces faisceaux dâinfluences et dâexpĂ©riences autour de la question du besoin radical » dâespace qui aurait conduit les Travellers Ă prendre la route. Que lâon ne sây trompe pas un tel besoin nâest pas aussi trivial quâun simple appel de la vie au grand air. Sâil est radical, câest justement parce quâil rĂ©pond, selon le chercheur, Ă une nĂ©cessitĂ© créée par les forces dâĂ©viction du capitalisme nĂ©olibĂ©ral qui poussent les plus fragiles vers les marges du salariat et de lâhabitat conventionnel. Il sâagit alors aussi bien dâĂ©chapper Ă la spirale de lâenfermement dans les logiques du dĂ©classement que de combler ses besoins vitaux â se nourrir, se loger, nouer des rapports sociaux â et de sâengager dans une forme de radicalisme infrapolitique, ou de contre-culture, capable de constituer une alternative Ă lâĂ©viction. Cette alternative sâexprime au travers des communautĂ©s de pratique » que forment les Travellers en sâinscrivant dans des rĂ©seaux dâentraide fondĂ©s sur un socle de valeurs communes. Elle constitue Ă©galement une forme de retournement des stigmates qui conduit les Ă©vincĂ©s Ă faire de leur Ă©viction un principe de libertĂ© ou, Ă tout le moins, de rĂ©invention dâun espace du quotidien qui semble reprendre ses droits aux marges de la sociĂ©tĂ© instituĂ©e [5]. 11 Nombre de parallĂšles peuvent ainsi ĂȘtre tracĂ©s avec la zone de Gavroche dĂ©crite par JĂ©rĂŽme Beauchez. Dans les deux cas, lâengagement marginal relĂšve moins dâune opposition que dâune alternative aux fonctionnements socio-Ă©conomiques marquĂ©s par les logiques dâexclusion du capitalisme nĂ©olibĂ©ral. Tandis que Gavroche sâest contentĂ© de les retourner Ă son avantage dans les territoires oĂč il sâest comportĂ© en patron de sa petite entreprise criminelle, les Travellers rencontrĂ©s par Marcelo Frediani ont pour leur part conçu une critique radicale de ces fonctionnements. Cela Ă©tant, pas plus que Gavroche, ils nâenvisagent de fonder un mouvement qui aurait pour objet de promouvoir un changement de sociĂ©tĂ©. De leur point de vue, il sâagirait plutĂŽt dâĂ©chapper Ă sa violence et de prendre le large, entre soi. 12 Un entre-soi que lâanthropologue et photographe Ralf Marsault a Ă©galement documentĂ© depuis sa longue expĂ©rience des Wagenburgen berlinoises. Celles-ci dĂ©signent les rassemblements de caravanes et de camions qui ont commencĂ© Ă sâĂ©tablir dans les friches et autres interstices de la ville peu aprĂšs la chute du Mur Ă la fin de lâannĂ©e 1989 Marsault, 2010. Ouverts illĂ©galement, ces espaces oĂč se sont installĂ©s Travellers, punks et zonards issus de toute lâEurope avec une majoritĂ© de Britanniques et de Français font lâobjet dâune certaine tolĂ©rance de la part des pouvoirs publics. De tels campements constituent un excursus europĂ©en Ă lâhistoire des Travellers retracĂ©e par Marcelo Frediani, de mĂȘme quâune sorte de pendant germanique et fin de siĂšcle le xxe plutĂŽt que le xixe de la zone parisienne. Ă lâinstar de cette derniĂšre, nombre de Wagenburgen se sont en effet Ă©tablies sur une ancienne zone militaire non aedificandi celle du no manâs land qui sĂ©parait lâEst et lâOuest de Berlin Marsault, 2010, p. 36. Il nâest pas jusquâĂ lâappellation de Wagenburg qui ne garde une connotation martiale, puisque le terme a dâabord dĂ©signĂ© une tactique de dĂ©fense consistant Ă Ă©riger un mur de chariots » Wagen signifiant le vĂ©hicule et Burg lâidĂ©e de place forte pour parer les attaques de lâennemi sur les champs de bataille. De loin en loin, cette idĂ©e semble perdurer aujourdâhui parmi les Wagenburger. La plupart conçoivent leur mode de vie Ă la façon dâune rĂ©sistance â certes plus passive quâagressive â impliquant une stratĂ©gie de repli qui les prĂ©serverait des obligations comme des injonctions Ă la normalisation. Ralf Marsault se concentre alors sur les constructions qui font la Wagenburg â ses venelles, ses placettes et ses maisons â, et procĂšdent dâun ensemble de matĂ©riaux de rĂ©cupĂ©ration que les Wagenburger dĂ©tournent afin de concevoir une maniĂšre originale dâinvestir leur territoire et de lâhabiter. Ce systĂšme dâobjets est conçu par lâauteur comme la projection au sol des reprĂ©sentations qui animent les habitants. Au-delĂ dâune simple figure du campement, cette hypothĂšse lui permet dâobserver la Wagenburg comme une tentative de situationnisme sauvage qui nâest pas sans Ă©voquer une version punk de la Nouvelle Babylone imaginĂ©e par Constant [6]. Tracer les cartes de significations » dâune subculture marginale13 Outre les convergences dĂ©jĂ relevĂ©es, les trois Ă©tudes prĂ©sentĂ©es au point prĂ©cĂ©dent partagent un mĂȘme intĂ©rĂȘt pour ces territoires qui sont le fait dâindividus et de groupes Ă©voluant dans ce que Patrick Brunetaux et Daniel Terrolle Ă©d., 2009 ont appelĂ© lâ arriĂšre-cour de la mondialisation ». Depuis lâenracinement subjectif dans la zone de Gavroche jusquâaux objets qui peuplent le territoire des Wagenburger en passant par le systĂšme de valeurs des Travellers, cette arriĂšre-cour a Ă©tĂ© investie par des enquĂȘtes qui, sans pour autant sacrifier Ă une forme de romantisme des marges, ont refusĂ© lâessentialisation misĂ©rabiliste conduisant Ă enfermer les pauvres dans leur pauvretĂ©, ou Ă condamner les dĂ©classĂ©s au dĂ©classement. Par la mise en Ă©vidence du tout un savoir-survivre â fĂ»t-il parfois violent comme dans le cas de Gavroche â, il sâest plutĂŽt agi de souligner lâagentivitĂ© alternative [7] dont font preuve celles et ceux qui sâefforcent de construire une Ă©chappatoire et dâinventer leurs territoires en marge de la sociĂ©tĂ© instituĂ©e. Pour autant, celle-ci ne disparaĂźt pas dâun quotidien fait dâĂ©vitements, mais aussi de frottements plus ou moins rĂąpeux avec des institutions et des lois censĂ©es encadrer celles et ceux qui affichent leur souhait dây Ă©chapper. 14 Ces frottements sont au cĆur de lâarticle signĂ© par CĂ©line RothĂ©, laquelle nous ramĂšne en France, pour conclure ce dossier par une rĂ©flexion sur la façon dont les zonards perçoivent et utilisent les dispositifs dâassistance qui leur sont destinĂ©s, en particulier celui dâun accueil de jour dit Ă bas seuil dâexigence. Ce lieu est pris dans une nĂ©gociation permanente entre logiques zonardes et relatif effacement des travailleurs sociaux, qui maintiennent toutefois la prĂ©sence discrĂšte dâun cadre assorti de ses rĂšgles. Rien du style de vie des zonards nâest forclos de ce lieu les chiens y ont droit de citĂ© mais en nombre limitĂ©, tout comme les substitutifs aux opiacĂ©s dont la consommation addictive â comme celle dâautres substances â concerne un nombre consĂ©quent de celles et ceux qui disent avoir choisi la rue. LâidĂ©e dâun tel choix, comme ses mises en rĂ©cit, fournissent Ă la chercheuse un matĂ©riau Ă partir duquel sont interrogĂ©es des conceptions de la mobilitĂ© et du territoire qui voudraient renverser la situation de relative assistance dans laquelle la sociologue trouve ses enquĂȘtĂ©s. Ă ce titre, les lieux de lâurgence sociale ne sont pas de simples pourvoyeurs de services de premiĂšre nĂ©cessitĂ© ; ils apparaissent avant tout comme des lieux de socialisation zonarde et de requalification symbolique pour les reprĂ©sentants de ces groupes par ailleurs largement disqualifiĂ©s. 15 La recherche sur la zone et ses expĂ©riences nâen est encore quâĂ ses balbutiements. Cette livraison dâEspaces et SociĂ©tĂ©s propose une premiĂšre articulation dâenquĂȘtes Ă partir desquelles sont retracĂ©es quelques-unes des cartes de significations » quâutilisent les zonards pour sâorienter dans leurs mondes [8]. Situer de tels rĂ©seaux de signifiance dans lâhistoire et les espaces de la zone nous a conduits Ă apprĂ©hender les diffĂ©rentes façons dont ses acteurs donnent du sens Ă leurs conduites comme aux styles de vie quâils ont privilĂ©giĂ©s ; pratiques fondĂ©es dans une certaine promotion de la solidaritĂ©, mais qui se paye parfois au prix fort de la rue, dont les duretĂ©s nâĂ©pargnent pas ceux qui disent lâavoir choisie et lâaimer. 16 Si les anthropo-logiques zonardes sont des visions du monde et des solutions pour le vivre, leur comprĂ©hension de lâintĂ©rieur constitue dans le mĂȘme temps une condition sine qua non pour Ă©tablir une base de dialogue capable de faire socle Ă une vĂ©ritable rencontre entre le monde des institutions et celui des zonards, lequel ne saurait ĂȘtre rĂ©duit Ă un espace oĂč rĂ©gnerait lâanomie. Tandis que les communitas quâils forment apparaissent au premier regard comme des contre-structures » dont les dĂ©rĂšglements se heurtent aux principes organisateurs de la sociĂ©tĂ© instituĂ©e Turner, 1990, les enquĂȘtes prĂ©sentĂ©es ici laissent apparaĂźtre les multiples points de jonction qui nous rapprochent dâeux. Voici sans doute lâune des questions fondatrices des sciences sociales Ă laquelle nous confronte lâĂ©tude de la zone. Car il en va ici comme de toute production dâaltĂ©ritĂ©, qui soit maximise la dissemblance pour la cĂ©lĂ©brer ou la condamner, soit insiste sur la ressemblance afin dâannihiler les diffĂ©rences. PlutĂŽt que de la refermer, ce dossier ambitionne de rĂ©vĂ©ler une nouvelle facette de cette question, quâil ne faut assurĂ©ment pas cesser dâouvrir. Notes [1] Atget EugĂšne, 1913, Zoniers, sĂ©rie de photographies rĂ©alisĂ©es Ă Paris entre 1899 et 1913, archivage sur le site internet de la BibliothĂšque nationale de France, [url consultĂ© le 14 avril 2017. [2] Beauchez a exposĂ© ailleurs la vision comme les dĂ©terminants biographiques de son enquĂȘte Beauchez, 2017. Tout comme Tristana Pimor a rĂ©flĂ©chi dans les colonnes dâEspaces et SociĂ©tĂ©s Ă ces formes de symĂ©trie dans lâinvestigation quâelle a coconstruite avec un groupe de zonards Pimor, 2016. [3] Sur le mĂȘme sujet, voir Ă©galement lâouvrage pionnier de Kevin Hetherington 2000 ou les photographies publiĂ©es par Traveller Dave Fawcett, qui a mis en images sa communautĂ© nomade et leurs façons dâhabiter en perpĂ©tuel voyage Fawcett, 2012. [4] Il sâagit de fĂȘtes techno tenues en plein air, le plus souvent sans autorisation et, donc, sur des terrains ou des champs squattĂ©s pour lâoccasion. [5] Cette importance de la rĂ©appropriation dâun territoire en tant quâancrage dâune identitĂ© positive â et non plus seulement dĂ©finie par la nĂ©gativitĂ© du dĂ©faut ou du manque â a Ă©tĂ© soulignĂ©e par Emmanuel Renault et Djemila Zeneidi Ă partir de lâenquĂȘte que celle-ci a menĂ©e pendant plusieurs annĂ©es dans une friche industrielle transformĂ©e en scĂšne artistique anarcho-punk Renault et Zeneidi-Henry, 2008. [6] New Babylon est une utopie architecturale pensĂ©e par Constant Nieuwenhuys, un artiste nĂ©erlandais fondateur du mouvement Cobra et compagnon de route de lâInternationale situationniste. LâidĂ©e fondatrice de la Nouvelle Babylone â Ă laquelle Constant a travaillĂ© de 1956 Ă 1974, influençant toute une gĂ©nĂ©ration dâarchitectes et dâurbanistes â est que les relations sociales doivent ĂȘtre au principe de lâĂ©dification spatiale dâune ville nomade, entiĂšrement montĂ©e sur pilotis et dont les configurations sont conçues comme perpĂ©tuellement mouvantes les bĂątiments sont modulables au grĂ© des situations que crĂ©ent les habitants Ă propos de lâĆuvre de Constant, voir Zegher et Wigley Ă©d., 2001. [7] Ou de documenter les compĂ©tences prĂ©caires », qui dĂ©signent les multiples savoir-faire et savoir-ĂȘtre, inĂ©galement protecteurs, acquis au cours de lâexpĂ©rience de la prĂ©caritĂ© par les acteurs sociaux disposant de faibles ressources Ă©conomiques, sociales et symboliques Bouillon, 2009, p. 203-213. [8] Au sens oĂč Stuart Hall et Tony Jefferson ont Ă©crit que les cartes de signification » maps of meaning consistent dans les aspects dâune subculture Ă partir desquels ses membres dessinent lâintelligibilitĂ© de leur environnement quotidien Hall et Jefferson Ă©d., 2006, p. 4. Une sociohistoire de la zone, espace de relĂ©gationLa zone, territoire de rĂ©sistances ?Tracer les cartes de significations » dâune subculture marginale RĂ©fĂ©rences bibliographiquesAngeras AnaĂŻs, 2012, Du nomadisme contemporain en France. Avec les saisonniers agricoles en camion, ouvrage ligneBeauchez JĂ©rĂŽme, 2017, Lâethnographe dans le sous-terrain fragments biographiques », Anthropologica, vol. 59, no 1, p. 101-113. En ligneBouillon Florence, 2009, Les mondes du squat. Anthropologie dâun habitat prĂ©caire, Paris, Presses universitaires de Patrick et Terrolle Daniel Ă©d., 2010, LâarriĂšre-cour de la mondialisation. Ethnographie des paupĂ©risĂ©s, Brignais, Les Ăditions du Louis, 2002 [1958], Classes laborieuses et classes dangereuses Ă Paris pendant la premiĂšre moitiĂ© du xixe siĂšcle, Paris, François, 2004 [1996], Les nomades du vide. Des jeunes en errance, de squats en festivals, de gares en lieux dâaccueil, Paris, La Traveller Dave, 2012, Traveller Homes, Stroud, Amberley Marcelo, 2009, Sur les routes. Le phĂ©nomĂšne des New Travellers, Paris, Ăditions ligneGarland David, 2001, The Culture of Control. Crime and Social Order in Contemporary Society, Chicago, University of Chicago Clifford, 2003 [1973], La description dense. Vers une thĂ©orie interprĂ©tative de la culture », LâEnquĂȘte de terrain, D. CefaĂŻ Ă©d., Paris, La DĂ©couverte, p. Stuart et Jefferson Tony Ă©d., 2006 [1976], Resistance through Rituals. Youth Subcultures in Post-War Britain, Londres-New York, Kevin, 2000, New Age Travellers. Vanloads of Uproarious Humanity, Londres-New York, Cassell. En ligneHurtubise Roch et Vatz Laaroussi MichĂšle, 2002, RĂ©seaux, stratĂ©gies et compĂ©tences pour une analyse des dynamiques sociales Ă lâĆuvre chez les jeunes de la rue », Lâhomme et la sociĂ©tĂ©, no 143-144, p. ligneLaberge Danielle et Roy Shirley Ă©d., 1996, dossier Jeunes en difficultĂ© de lâexclusion vers lâitinĂ©rance », Cahiers de recherche sociologique, no Georges, 1928, La Zone. Au pays des chiffonniers, court mĂ©trage muet, 28â, Paris, Les Films Charles Dullin. En ligneLanglois Emmanuel, 2014, De lâinconvĂ©nient de nâĂȘtre le problĂšme de personne cĂ©citĂ© institutionnelle et vulnĂ©rabilitĂ© sociale des jeunes en errance », PensĂ©e plurielle, no 35, p. Ralf, 2010, RĂ©sistance Ă lâeffacement. Nature de lâespace et temporalitĂ© de la prĂ©sence sur les Wagenburgs de Berlin entre 1990 et 1996, Dijon, Les Presses du Michel, 2002, La rue attractive. Parcours et pratiques identitaires des jeunes de la rue, Sainte Foy, Presses de lâuniversitĂ© du QuĂ©bec. En lignePattegay Patrice, 2001, Lâactuelle construction, en France, du problĂšme des jeunes en errance. Analyse critique dâune catĂ©gorie dâaction publique », DĂ©viance et sociĂ©tĂ©, no 3, p. 257-278. En lignePimor Tristana, 2014, Zonards. Une famille de rue, Paris, Presses universitaires de France. En ligneâ 2016, Les espaces zonards vers une observation collaborative », Espaces et sociĂ©tĂ©s, no 164-165, p. ligneRenault Emmanuel et Zeneidi-Henry Djemila, 2008, Formes de reconnaissance conflictuelle relations sociales, appropriation de territoire, culture et politique dans un groupe de punks squatters », La reconnaissance Ă lâĂ©preuve. Explorations socio-anthropologiques, Payet et A. Battegay Ă©d., Villeneuve dâAscq, Presses universiatires du Septentrion, p. Lionelle, 1985, La manche », Informations sociales, no 5, p. Victor, 1990 [1969], Le phĂ©nomĂšne rituel. Structure et contre-structure, Paris, Presses universitaires de ligneVan Hout Marie-Claire, 2011, Assimilation, habitus and drug use among Irish Travellers », Critical Public Health, vol. 21, no 2, p. Catherine de et Wigley Mark Ă©d., 2001, The Activist Drawing. Retracing Situationist Architectures from Constantâs New Babylon to Beyond, New York-Cambridge, The Drawing Center-The mit Djemila, 2002, Les sdf et la ville. GĂ©ographie du savoir-survivre, Paris, BrĂ©al. Distribution Ă©lectronique pour ĂrĂšs © ĂrĂšs. Tous droits rĂ©servĂ©s pour tous pays. Il est interdit, sauf accord prĂ©alable et Ă©crit de lâĂ©diteur, de reproduire notamment par photocopie partiellement ou totalement le prĂ©sent article, de le stocker dans une banque de donnĂ©es ou de le communiquer au public sous quelque forme et de quelque maniĂšre que ce soit. Voirl'Ă©quipe des forums What's New? Recherche avancĂ©e; Forum ; 6- Forum pour discuter, Ă©changer: l'art est il es marge de la sociĂ©tĂ©? If this is your first visit, be sure to check out the FAQ by clicking the link above. You may have to register before you can post: click the register link above to proceed. To start viewing messages, select the forumPour emprunter les mots de lâĂ©conomiste Milton Friedman, figure influente des milieux conservateurs et libertariens amĂ©ricains, une crise, quâelle soit actuelle ou perçue, a le potentiel de produire une rĂ©elle transformation sociale; lorsquâelle survient, les actions entreprises dĂ©pendent notamment des idĂ©es qui traĂźnent dans lâinconscient social1. Suivant ce prĂ©sage, ou cet avertissement, quelle transformation sociale peut-on espĂ©rer ? Une telle entreprise de dĂ©placement du sens commun a de meilleures chances dâopĂ©rer progressivement si nous reprenons contact avec le potentiel Ă©mancipatoire des arts. Il sâagit peut-ĂȘtre lĂ dâun enjeu important du travail des artistes expĂ©rimenter des alternatives aux modes de vie existants, les maintenir vivants et disponibles jusquâĂ ce que le politiquement impossible devienne inĂ©vitable. Lâart comme vecteur du progrĂšs est un programme ambitieux, certainement pas nouveau; or je crois quâil est toujours possible grĂące Ă lâentretien dâamitiĂ©s, Ă lâintĂ©gration dâune pensĂ©e et dâune pratique contre-hĂ©gĂ©monique, ainsi quâen rĂ©imaginant nos futurs collectifs. Actio in distans Au moment oĂč les sociĂ©tĂ©s doivent nĂ©gocier les modalitĂ©s dâune distanciation sanitaire des corps, nous pourrions voir les arts en tant que territoires des amitiĂ©s inclusives. En introduction de lâessai RĂšgles pour le parc humain 2000, rĂ©ponse Ă la Lettre sur lâhumanisme de Heidegger, le philosophe Peter Sloterdijk souligne comment lâĂ©dification dâune pensĂ©e humaniste sâest appuyĂ©e sur lâentretien dâamitiĂ©s Ă travers le temps. Que ceux qui expĂ©dient des messages ne soient pas en mesure de prĂ©voir qui en seront les rĂ©els destinataires fait partie des rĂšgles du jeu de la culture Ă©crite. Les auteurs sâembarquent dans lâaventure, pourtant, et mettent en circulation leurs lettres Ă des amis non identifiĂ©s2. » Il en va de mĂȘme pour les arts visuels oĂč les Ćuvres sont bien souvent destinĂ©es Ă un public dont lâidentitĂ© est symptomatiquement inconnue des artistes. En suivant la pensĂ©e de Sloterdijk, nous comprendrons que la crĂ©ation permet sans doute de rejoindre, en addition de nos contemporains, toute une communautĂ© de filiation qui nâexiste pas encore. Du point de vue Ă©rotologique, cette amitiĂ© hypothĂ©tique entre ceux qui rĂ©digent des livres ou des lettres et ceux qui les reçoivent reprĂ©sente un cas dâamour Ă distance â tout Ă fait dans lâesprit de Nietzsche â, pour qui lâĂ©criture a le pouvoir de transformer lâamour du prochain â et du proche â en amour pour une vie inconnue, lointaine et future3. » Sloterdijk ajouterait que la crĂ©ation jette non seulement un pont entre des amitiĂ©s dĂ©jĂ Ă©tablies bien que gĂ©ographiquement Ă©loignĂ©es, mais [quâ]elle lance [aussi] une opĂ©ration vers lâinconnu, actionne la sĂ©duction sur le lointain, ce que dans le langage de la magie de la vieille Europe on appelle actio in distans visant Ă reconnaĂźtre lâami inconnu et Ă lâinviter Ă se joindre au cercle4. » Les artistes sont rarement en mesure de comprendre lâĂ©tendue des signaux amicaux qui sont communiquĂ©s Ă travers leurs Ćuvres et donc de saisir lâimportance que ces derniĂšres ont dans la vie des publics qui les reçoivent. Les Ćuvres agissent comme des intermĂ©diaires, empruntant une certaine polysĂ©mie du langage pour avoir action dans le monde physique; une action alchimique sans doute. Encore sâagit-il de sĂ©curiser les conditions matĂ©rielles Ă la crĂ©ation, dâentretenir lâespace dâattention nĂ©cessaire Ă sa rĂ©ception et surtout dâĂ©tendre le cercle des personnes y Ă©tant invitĂ©es. Il sâagit peut-ĂȘtre lĂ dâun enjeu important du travail des artistes expĂ©rimenter des alternatives aux modes de vie existants, les maintenir vivants etdisponibles jusquâĂ ce que le politiquement impossible devienne inĂ©vitable. LibertĂ© synthĂ©tique Sous quels critĂšres lâutilitĂ© » des artistes est-elle dĂ©terminĂ©e ? Comment leur travail pourrait-il ĂȘtre rĂ©munĂ©rĂ© adĂ©quatement ? Il est rĂ©vĂ©lateur de voir comment, avec lâĂ©pidĂ©mie de COVID-19, le terme de travailleur essentiel sâest imposĂ© dans le langage populaire. Ă juste titre, lâattention est dâabord portĂ©e au personnel soignant. Or, au moment oĂč lâon tente dâĂ©tendre Ă qui sâappliquerait le qualificatif essentiel », on retombe vite dans les dictats de lâĂ©conomie. Selon la philosophe amĂ©ricaine Nancy Fraser notre crise gĂ©nĂ©rale est une crise dâhĂ©gĂ©monie. [âŠ] Les idĂ©es indispensables pour ce constat viennent dâAntonio Gramsci. LâhĂ©gĂ©monie est le terme quâil emploie pour dĂ©signer le processus par lequel une classe dirigeante fait apparaĂźtre sa domination comme naturelle en installant les prĂ©supposĂ©s de sa propre vision du monde en tant que sens commun de la sociĂ©tĂ© dans son ensemble5. » Suivant la pensĂ©e de Gramsci, lâhĂ©gĂ©monie nĂ©olibĂ©rale est constituĂ©e autour de deux composantes normatives essentielles la distribution et la reconnaissance recognition6. Dans le premier cas, la distribution reprĂ©sente la circulation du capital au sein dâune sociĂ©tĂ©, ce qui revient Ă identifier qui peut lĂ©gitimement recevoir un salaire, pour quel travail et en quelle mesure. Le principe de reconnaissance traite quant Ă lui de la distribution symbolique du respect ou de lâestime. Notons que des politiques progressistes de reconnaissance ou de reprĂ©sentativitĂ© peuvent servir Ă cacher lâabsence de politiques de distribution qui seraient rĂ©ellement bĂ©nĂ©fiques aux communautĂ©s concernĂ©es Sâappuyant sur les forces progressistes de la sociĂ©tĂ© civile, les nĂ©olibĂ©raux ont diffusĂ© une philosophie de reconnaissance qui Ă©tait superficiellement Ă©galitaire et Ă©mancipatrice. Au cĆur de cette Ă©thique se trouvaient des idĂ©aux de diversitĂ©, dâempowerment des femmes, de droits LGBTQ+, de post-racisme, de multiculturalisme et dâenvironnementalisme. LâĂ©galitĂ© signifiait la mĂ©ritocratie7. » Une lecture succincte des fondements de lâhĂ©gĂ©monie nĂ©olibĂ©rale permet de mieux saisir les questionnements internes qui traversent actuellement le milieu culturel. DĂ©fendre uniquement la culture en pointant les retombĂ©es Ă©conomiques quâelle gĂ©nĂšre revient Ă concĂ©der que sa valeur nâa dâĂ©gale que son habilitĂ© Ă reconduire lâhĂ©gĂ©monie qui, pourtant, la mine. ConcrĂštement, la prĂ©caritĂ© financiĂšre des artistes, la disparition des ateliers ou lâaccĂšs restreint au financement public poussent Ă entretenir une vision compĂ©titrice de la crĂ©ation. En apparence, un systĂšme de mĂ©rite partage les artistes qui pourront poursuivre leur travail de celles et ceux qui seront refoulĂ©s aux marges. La socialisation devient du networking; la crĂ©ation une forme sophistiquĂ©e de branding. Lorsque Sloterdijk relate lâhistoire de lâOccident de lâaprĂšs-guerre et lâĂ©rosion subsĂ©quente des modes de transmission de la pensĂ©e humaniste, voire de la dĂ©sirabilitĂ© de cette derniĂšre, le philosophe fait valoir la nĂ©cessitĂ© dâun projet dâauto-Ă©ducation, indiquant quâil faudrait sâinquiĂ©ter de lâabsence dâun tel projet au XXIe siĂšcle. Nâest-ce pas lĂ une considĂ©ration particuliĂšrement pressante en temps de crise ? Comment envisager de nouvelles perspectives pour la modernitĂ©, axĂ©es autour des idĂ©aux de lâĂ©cologisme, du progrĂšs, de la raison, de la libertĂ© et de la dĂ©mocratie ? Qui seront les porteurs de ces idĂ©aux ? Je propose de reconnaĂźtre lâimpasse qui se poursuivra si nous acceptons de taire lâinfiltration de la pensĂ©e nĂ©olibĂ©rale dans la dĂ©finition et le sous-financement de la culture. PlutĂŽt que de nous contenter dâune Ă©conomie de survie, rĂ©clamons-nous des mouvements populistes et progressifs de redistribution. Nous parlerons ici de participer Ă la construction et Ă la circulation dâun rĂ©el projet contre-hĂ©gĂ©monique; et non plus Ă lâamĂ©nagement de bulles de rĂ©sistance ou dâĂ©mancipation, aussi fragiles et cosmĂ©tiques puissent-elles se rĂ©vĂ©ler. Dans lâessai Inventing the Future, Postcapitalism and a World Without Work 2015, Nick Srnicek et Alex Williams rappelleront que la libertĂ© est une entreprise synthĂ©tique, non pas un cadeau naturel8 ». Les auteurs expriment ici un malaise, câest-Ă -dire que la libertĂ© individuelle demeure un concept limitĂ© Ă son cadre matĂ©riel. Soyons rĂ©alistes de reconnaĂźtre que sous le capitalisme nĂ©olibĂ©ral, la rĂ©elle Ă©mancipation ne sâest rĂ©alisĂ©e que pour une classe sociale de plus en plus restreinte. La poursuite dâun projet contre-hĂ©gĂ©monique vise notamment Ă maximiser les libertĂ©s synthĂ©tiques pour toutes et tous, Ă tendre vers le dĂ©ploiement de notre horizon collectif. Dans cette perspective, nous aurions Ă repenser complĂštementnotre rapport au temps libre, au travail et au salariat. Ken Lum, Melly Shum Hates Her Job 1989Plexiglass, impression chromogĂšne et vinyle. Courtoisie de royale projects Encore aujourdâhui, le travail des artistes inclut principalement des actions pour lesquelles aucun salaire nâest considĂ©rĂ© comme justifiĂ©. Ce travail invisible comprend des formes de recherche, dâĂ©ducation, de soin, de travail domestique, Ă©motionnel ou de reproduction de la sociĂ©tĂ©. Non exclusives aux activitĂ©s des artistes, ces formes de travail non reconnues par un revenu touchent de maniĂšre disproportionnĂ©e les femmes et les groupes minoritaires. Ă ce titre, lâimplantation de mesures Ă©conomiques progressistes telles que le revenu minimum universel ou le salaire Ă vie9 », pour ne nommer que celles-ci, offre des avenues Ă considĂ©rer pour Ă©tendre la dĂ©finition du travail socialement nĂ©cessaire. Bien entendu, toute sociĂ©tĂ© contemporaine doit laisser place Ă une Ă©thique du travail en valorisant le devoir de faire Ćuvre utile pour autrui et non pas que pour soi-mĂȘme. Comme le souligne lâĂ©conomiste Philippe Van Parijs lors dâun entretien avec lâartiste Hannah Black, le revenu minimum universel ne se dĂ©barrasserait pas dâun devoir dâutilitĂ© sociale. Au contraire, puisquâil Ă©largit lâĂ©ventail des activitĂ©s socialement utiles, rĂ©munĂ©rĂ©es ou non, ouvertes Ă ceux qui en ont le moins; il renforce la lĂ©gitimitĂ© dâun tel devoir moral10. » Les fruits du besoin et du dĂ©sir Il faut savoir reconnaĂźtre les signes qui ne trompent pas la crise actuelle est une caractĂ©ristique interne et inĂ©vitable du capitalisme tardif. Comment, nous, les artistes, les commissaires, les historiens, les mĂ©diateurs et les travailleurs de la culture pourrons-nous nous positionner, au-delĂ du langage visuel qui nous lie, en tant quâalliĂ©es et alliĂ©s, guides et visionnaires pour un imaginaire post-capitaliste ? Ce nâest pas tant que lâart contemporain soit apolitique, bien au contraire. Les artistes jouent dĂ©jĂ un rĂŽle essentiel dans lâanalyse critique de leur Ă©poque. Il sâagit plutĂŽt ici dâune lettre que je transmets aux amies et aux amis pour que nous continuions Ă paver les voies du futur. Notre utilitĂ© sera sans doute rĂ©vĂ©lĂ©e par lâactualisation dâun imaginaire utopique permettant de repenser nos structures sociales, Ă©conomiques et technologiques. En annexe dâune réédition du cĂ©lĂšbre texte Utopia de Thomas More, publiĂ© pour la premiĂšre fois en 1516, China MiĂ©ville rappelle que lâutopisme nâest pas motivĂ© par lâespoir, encore moins par lâoptimisme, lâutopisme Ă©merge du besoin et du dĂ©sir11. Amies et amis, rĂ©clamons notre temporalitĂ© naturelle le futur. Lâutopie que nous mettrons en mots, en images et en formes puisera son Ă©nergie dans le dĂ©placement du sens commun. Soyons sensibles, soyons habiles Ă capter et Ă amplifier le dĂ©sir de transformation du monde. Mais ne nous faisons pas dâidĂ©es, un tel projet rencontrera de lâindiffĂ©rence, de la friction, voire de lâhostilitĂ©. Peut-ĂȘtre sâagit-il lĂ dâun indice de lâutilitĂ© des artistes et de leurs Ćuvres pour le futur, celui dâentretenir une certaine indĂ©sirabilitĂ©. Je terminerai en soulevant ces quelques mots que Deleuze nous a offerts lors de la confĂ©rence Lâart et les sociĂ©tĂ©s de contrĂŽle Quel est ce rapport mystĂ©rieux entre une Ćuvre dâart et un acte de rĂ©sistance ? Alors que les hommes qui rĂ©sistent nâont ni le temps, ni parfois la culture nĂ©cessaire pour avoir le moindre rapport avec lâart. [âŠ] Tout acte de rĂ©sistance nâest pas une Ćuvre dâart, quoique dâune certaine maniĂšre il en soit. Toute Ćuvre dâart nâest pas un acte de rĂ©sistance et pourtant dâune certaine maniĂšre, elle lâest12. »VivreEn Marge De La Societe Original Qui Vit En Marge De La Societe Il Vit En Marge De La Societe; Se Met En Marge De La Societe; Jeune Vivant Plus Ou Moins En Marge De La Societe; En Marge De La Societe; Mode De Vie Des Artistes En Marge De La SociĂ©tĂ©; Il Vit Sans Regles, En Marge De La Societe; Mene Une Existence Au Jour Le La solution Ă ce puzzle est constituéÚ de 6 lettres et commence par la lettre B CodyCross Solution â pour MODE DE VIE DES ARTISTES EN MARGE DE LA SOCIĂTĂ de mots flĂ©chĂ©s et mots croisĂ©s. DĂ©couvrez les bonnes rĂ©ponses, synonymes et autres types d'aide pour rĂ©soudre chaque puzzle Voici Les Solutions de CodyCross pour "MODE DE VIE DES ARTISTES EN MARGE DE LA SOCIĂTĂ" CodyCross Saisons Groupe 76 Grille 4 7 7 Partagez cette question et demandez de l'aide Ă vos amis! Recommander une rĂ©ponse ? Connaissez-vous la rĂ©ponse? profiter de l'occasion pour donner votre contribution! CODYCROSS Saisons Solution 76 Groupe 4 Similaires
Laprochaine sĂ©ance des Doctoriales se tiendra sur Zoom et sur inscription (en Ă©crivant Ă contact.doctoriales.serd@gmail.com) le samedi 12 dĂ©cembre de 10h30 Ă 12h30. Elle sera composĂ©e de deux communications : âLe cirque entre marginalitĂ© et culture de masseâ de LĂ©a de Truchis (UniversitĂ© Paul ValĂ©ry Montpellier 3) et ââDâun cĂŽtĂ© lâunivers et de lâautreAccueilArtsLe photographe Antoine Bruy est parti Ă la rencontre de ceux qui ont choisi de vivre en marge des villes et de leurs autant une sĂ©rie de portraits que le carnet de bord dâune annĂ©e sur la route. Ce sont bien sĂ»r les paysages, les points de vue Ă©poustouflants, mais Ă©galement ces traces de vie dans une nature luxuriante quâAntoine Bruy a tentĂ© de documenter avec Scrublands âles broussesâ en français. La sĂ©rie du jeune photographe lillois a rapidement attirĂ© lâattention dâune foule de mĂ©dias anglo-saxons dĂ©sirant lâinterroger sur son rapport avec cet âobjetâ singulier, mais Ă©galement connaĂźtre lâhistoire derriĂšre cette galerie de de routeCâest le hasard et le voyage qui ont amenĂ© Antoine Bruy Ă Scrublands. Dâabord en stop Ă travers les campagnes françaises, le photographe rencontre pour la premiĂšre fois lâobjet quâil tentera dâapprĂ©hender quelques annĂ©es plus tard. Câest ensuite en Australie, au cours dâun sĂ©jour dans une ferme, grĂące au rĂ©seau WWOOF pour âWorld Wide Opportunities on Organic Farmsâ quâil prĂ©cise son projet de reportage et planifie le voyage qui en 2010 et 2013, grĂące au rĂ©seau, Antoine Bruy visitera de nombreuses fermes et vivra mĂȘme un an sur la route en Europe, passant de fermes en fermes.âPour ce qui est du rĂ©seau WWOOF, un site internet rĂ©pertorie toutes les annonces des fermiers qui se proposent dâaccueillir des gens. Ă partir de lĂ , jâai choisi certains types de fermes jâai commencĂ© Ă mâintĂ©resser Ă des Ă©leveurs qui faisaient du bio, puis aux gens qui avaient une activitĂ© agricole et surtout, qui Ă©levaient sans lâintention de vendre.âLes photos du diplĂŽmĂ© de lâĂ©cole nationale des arts visuels de Bruxelles sont plus que documentaires. Flirtant avec la sphĂšre de lâintime, elles dĂ©voilent un mode de vie autant que des scĂšnes que lâintĂ©ressĂ© nâaurait pu capturer sans ĂȘtre pleinement en immersion. Et il ne sâen cache pas.âQuand jâarrivais dans une ferme, je ne disais pas que jâĂ©tais photographe. CâĂ©tait important pour moi dâavoir un premier contact et de voir sâil y avait une alchimie avec les personnes que je dĂ©sirais photographier. Câest ce qui mâintĂ©resse dans la photo tisser des liens avec des gens et prendre des images que je nâaurais pas pu prendre autrement.âCertains clichĂ©s en sont un tĂ©moignage poignant.âJe voulais photographier lâautosuffisance, pas lâautarcie !âFace Ă ces populations, câest un sujet particulier que lâartiste voulait traiter et tout un tas de fils philosophiques quâil voulait tirer comment peut-on vivre Ă lâĂ©cart des villes et de leurs fracas ? Quelles sont les raisons et la nature de cet exil ? De quoi est-il fait et comment ces populations parviennent Ă survivre Ă lâĂ©cart de tout, dans des territoires qui semblent hostiles pour le commun des âcitadinesâ ? Autant de questions quâAntoine Bruy a Ă©prouvĂ©es au contact des fermiers quâil a rencontrĂ©s.âAucune personne nâĂ©tait complĂštement exilĂ©e, ne serait-ce que parce quâils accueillaient des Woofer⊠La thĂ©matique que jâaborde dans cette sĂ©rie reste celle de lâautosuffisance, pas de lâautarcie. Pour ce qui est de lâexil en tant que tel, les situations Ă©taient assez disparates certains avaient fait des choix extrĂȘmes â pas de machines, pas de pĂ©trole â mais la plupart possĂ©daient des ordinateurs, des portables. De maniĂšre gĂ©nĂ©rale, cet exil Ă©tait fait pour des raisons militantes.âDes fermes isolĂ©es des campagnes europĂ©ennes et leurs galeries de visages, Antoine Bruy est depuis passĂ© Ă une sĂ©rie tout aussi documentaire, mais peut-ĂȘtre plus ancrĂ©e dans la rĂ©alitĂ© politique de lâĂ©poque. Avec Behind the Bushes, le jeune homme dĂ©sire offrir un visage plus âlaudatifâ aux Roms. Une dĂ©marche assez proche de Scrublands, malgrĂ© les diffĂ©rences manifestes entre les deux objets. Le photographe commente âIl y a un lien Ă©vident entre les deux sĂ©ries, ne serait-ce quâen termes dâarchitecture. Jâai essayĂ© de montrer dans les deux cas comment ces gens sont acteurs de leur propre habitat. Je trouvais que câĂ©tait une maniĂšre intĂ©ressante de poser la question de leur survie. On appelle ça de lâautoconstruction. Dans le cas des Roms, jâai trouvĂ© ce biaisâ intĂ©ressant pour sortir dâune description misĂ©rabiliste de cette population.âFroids, bruts, les clichĂ©s dâAntoine Bruy interpellent. En raison du sujet quâils traitent, bien Ă©videmment, mais aussi pour leur qualitĂ© esthĂ©tique. Câest Ă lâessence des personnalitĂ©s rencontrĂ©es quâil sâattaque, Ă ce qui fait leur intimitĂ© la plus cachĂ©e. Il traque leur personnalitĂ© dans les moindres poses, les habitudes, les expressions du visage, la rencontre des de la teneur politique quâon peut leur attribuer, ces photographies ne semblent ĂȘtre que le tĂ©moignage des maniĂšres quâa lâĂȘtre humain de rĂ©pondre aux dĂ©fis du milieu quâil habite. Elles sont le journal de la survie de populations particuliĂšres, mais aussi une fenĂȘtre sur une alternative ou une altĂ©ritĂ© quâon se cache bien trop des clichĂ©s dâAntoine Bruy sont disponibles sur son voir aussi sur Konbini jKO8.